Adrien Demont ouvre le feu de son œuvre par une citation de Sir Arthur Conan Doyle. Prétendant prouver l'existence de la vie après la mort et la possibilité de communiquer avec l'au-delà, ce médecin britannique, écrivain célèbre évoque l'existence d'êtres surnaturels. Toutefois, selon lui « nous ne pouvons voir que ce qui se trouve dans les limites du spectre lumineux ».
Un prologue (ou épilogue) à ce récit rejoint cette idée et donne le ton : « Les portes d'un autre monde sont restées entrouvertes, laissant échapper des créatures qui ont traumatisé la région » ... Bienvenu dans un monde qui oscille entre le présent et le passé, entre la réalité et son contraire. Cette bande dessinée publiée début janvier par 6 pieds, se situe à mi-chemin entre le fantastique et la science-fiction. Mais attention, il n'y a pas de feu sans paille !
L'auteur viens nous conter un récit de vacances d'une petite famille (père-mère-enfant) somme toute normale. Une particularité concerne le père, c'est son cœur, il est sur pile depuis peu... Quoi qu'il en soit, c'est sur les terres de son enfance que l'histoire se déroule. Les souvenirs refont surface, et pourtant, ils vont découvrir bien des changements. D'étranges choses sont apparues, à moins qu'elles n’existent depuis bien longtemps ?!... La fameuse théorie des mondes parallèles... L'espace temps semble pourtant bien respecté et entrecoupé par de nombreux flash-back. Le mal-être ne vient pas de là. L'angoisse présente tourne autour de cette créature dont on aperçoit l'ombre à chaque nuit étoilée... A moins que, n'est-ce pas là, une anxiété du personnage principal, le père, semble t-il très agité. Une perte de réalité survenue depuis cet accident dont ne sait rien, juste qu'il se sent tel un robot ! Un peu à l'image de ce postier-robotisé qui apporte le journal du jour et en se présentant comme ceci : « Puisque les humains n’ont plus le cœur de vous transmettre les nouvelles du monde, ce service sera désormais automatisé ». Faut dire aussi que les objets façonnés par l'homme à consonance phénoménal et artificiel ou accidentel, existent bel et bien dans ce récit – un distributeur de journaux, une moissonneuse-batteuse, un épouvantail et même un enfant à vélo tout droit sorti d'une scène de film de Steven Spielberg. Sommes-nous dans un cauchemar de Stephen King ou dans la Quatrième Dimension de Rod Serling ?!... Les références ne manquent pas tant Adrien Demont touche du doigt notre inconscient. C'est avec brio qu'il matérialise nos inquiétudes profondes, nos émotions enfouies. Cette peur de l’inconnu qui nous transperce et qui semble nous guetter au détour de chaque page... Musique !
Emprunt de symboles, la chaume d'Adrien Demont brille tout feu tout flamme. Les réflexions à apporter sont multiples et plusieurs niveaux de lectures sont mis en place (le groupe des trois enfants, l'histoire du personnage principal et les événements qui en découlent). Nous avons à faire face à un scénario complexe mais habile. De plus, il est entrecoupé de mini-récits d'épouvante qui font écho avec d'éventuelles légendes tenaces... « Si vous ne me croyez pas... comment vous expliquez ça ? ».
Passionnant, fantastique la narration progresse et nous emmène vers un monde à part, à connotation métaphorique. Nous sommes dans une course poursuite indéniable où la nature à son mot à dire. Le rapport de force ne fait que commencer. Un conseil, se remémorer de ses vœux, gamin, des fois qu'il se réalise à l'âge adulte...
L'univers transposé par l'auteur dans un noir et blanc contrasté est presque glaçant, ou tout simplement attirant. La bonne idée (de l'éditeur) est aussi d'avoir réalisé un prologue et un épilogue qui se marie dans une bichromie teintée de bleu. Dans un trait élastique Adrien Demont anime ses personnages en les caricaturant et en leur faisant porter des masques, c'est surprenant et bluffant. Très inventif dans les décors mais aussi avec le monde animal (le chien apposé de sa niche, la tête de cerf qui fait office de skate-board, le papillon formant le masque), l'auteur développe toute son inspiration, offrant une part belle à l'imaginaire, à un autre monde... aux disparitions comme aux retrouvailles.
Feu de paille par Adrien Demont, est un très beau livre publié dans la collection Plantigrade de l'éditeur Six pieds sous terre. Feu de paille, c'est une alchimie bouleversante, une sorte de combustion qui dégage de la chaleur, de la lumière, très intriguant à lire !
Il arrive qu'un événement bouscule l'ordre établi et provoque de graves interférences capables de bouleverser notre perception de la réalité.
C'est ce qui s'est passé ici il y a quelques années : les portes d'un autre monde sont restées entrouvertes, laissant échapper des créatures qui ont traumatisé la région.