Traduit de l'espagnol par Alexandra Carrasco
Titre original : El Arte de Voler
Publié, en Espagne par ©Edicions de Ponent - Mai 2009
en France aux ©Editions Denoël Graphic - Avril 2011
Scénario : Antonio ALTARRIBA
Dessin : Kim (Joaquim Aubert Puig-Arnau)
Cet album a reçus le PRIX DU MEILLEUR SCÉNARIO AU FESTIVAL DE BARCELONE (2009) et le PRIX NATIONAL DE LA BD ESPAGNOLE (2010).
Il figure dans la SELECTION OFFICIELLE ANGOULEME 2012.
© Denoël Graphic - 2011
Publié pour la première fois en 2009, « L'art de voler » est un roman graphique de 216 pages qui repose sur un scénario d’Antonio Altarriba, né à Saragosse en 1952, écrivain, scénariste, professeur de littérature française à l'Université du Pays Basque, et des illustrations du dessinateur Kim, né à Barcelone en 1941, membre fondateur de l'hebdomadaire satirique « El Jueves ».
Ce livre est né d'un fait réel : le suicide d'un vieil homme qui s'élance du quatrième étage de sa maison de retraite pour voler enfin librement ...
« Bon c'est l'heure....
L'heure de s'envoler.... »
Le 4 mai 2001 le père d'Antonio Altarriba, âgé de 90 ans, saute du quatrième étage de sa maison de retraite ...
Où chaque étage du bâtiment représente une période de sa longue vie, la chute est lente, l'émotion nous tiens, la peine nous submerge, l'attente est longue ...
Une vie de combats, d’engagements, d’illusions, de chagrins aussi, jusqu’au dernier envol vers la justice et la liberté.
En relatant son existence intimement mêlée aux tempêtes qui ont ravagé l'Espagne et l'Europe du 20e siècle, Antonio Altarriba rend un vibrant hommage au courage, aux idéaux vaincus et à l'art difficile de voler ... Une fresque espagnole de toute beauté !
Raconté à la première personne, comme un souvenir, ce récit est le point de vue d'un homme dont la vie a été marquée par l'échec et la frustration, à la fois personnellement mais aussi dans le désir de bâtir un monde plus juste.
Antonio-père passe sa jeunesse dans un petit village, Peñaflor de Gállego, province de Saragosse à essayer de fuir l'ennui et les travaux des champs.
Dès qu'il le peut, il part s'installer en ville où il vit de petits boulots. Il se met à fréquenter des sympathisants anarchistes malgré des convictions politiques assez molles. Mais au lendemain de l'avènement de la République, en avril 1931, elles vont s'affermir brusquement.
Le coup d'Etat militaire, la guerre civile et une bastonnade par des phalangistes, décrits dans des scènes d'une grande précision historique, vont lui ouvrir les yeux et le pousser à se battre aux côtés des Républicains puis de la Résistance française.
L'histoire est bien documentée, c'est respectueux et sincère, sans
jugement. Un destin représentatif de la tragédie vécue par une population espagnole perdue et divisée durant les trois premiers quarts du XXe siècle, L'Art de
voler est surtout une cruelle fable sur la renonciation, les illusions perdues, la ligne ténue entre les lumières de l'espoir et la noirceur de la réalité.
Trop lucide, pas assez cynique, Antonio-père ne se remettra pas de ses compromissions, de son aveuglement pourtant volontaire.
Notre héros dépité rentre au pays, fait un mariage malheureux qui lui donne un fils (Antonio-fils), la vie n'est pas un enchantement dans l'Espagne de Franco livrée à la corruption des hommes et à la bigoterie des dames. Les serments de jeunesse n'ont pas été tenus mais ils relevaient de l'utopie...
« Les luttes fratricides que j’ai dû subir m’enseignèrent que les hommes ne doivent avoir d’autre village que l’humanité. […] J’ai grandi, oui, mais avec un horizon bouché par l’ambition, ou mieux dit par la misère. »
« [...] Antonio [Altarriba père] a fréquenté les communautés anarchistes où les produits s’échangeaient sans argent
contre la foi pour un avenir plus juste, en chantant "Camarade Staline, embrasse-nous le cul". Il a supporté des scènes de guerre affreuses entre franquistes et républicains au volant fou de son
cabriolet Hispano-Suiza converti en ambulance de fortune. Après la défaite, il a été parqué dans les camps de réfugiés français de Cyprien-plage. Antonio ne s’est jamais résigné
à la métamorphose du cafard.
Il a échappé à la déportation, a appris à boire le pastis et a vécu ses plus grands bonheurs dans la résistance antifasciste. [...] »
Ce roman graphique a une force vitale incroyable. Une volonté de croire en l'homme et ce malgré l'absurdité de la vie.
Un petit mot sur Kim, le graphiste de cette histoire, qui mérite une mention spéciale, parce qu'il est tout simplement splendide !
Sans trop de fioritures, le dessin est très expressif, développé, parfois un poil chargé, il en reste qu'il est capable de montrer des situations tragiques faisant ressortir les sentiments avec une simplicité étonnante, et débordant de sensibilité. Et le découpage alerte des cases porte bien l'histoire.
Une histoire émouvante et complexe, qui soulève certainement le niveau de la bande dessinée espagnole et en fait un travail essentiel, non seulement pour ceux qui aiment le roman graphique, et pour tout les amoureux de la culture.
Dans une importante postface, Antonio Altarriba, explique : « ce qui m'a vraiment décidé à écrire un scénario de BD, c'est le choix d'un monologue intérieur comme fil conducteur de l'histoire ouvrant ainsi le jeu texte-image, si caractéristique de la bande dessinée. »
Un avis,
et la longue présentation du Livre par les Gimenologues.