Paroles d'une condamnée, paroles d'une miraculée. La petite Nina ne comprend pas ce qui lui arrive. Son père Manuel Roca vient de lui demander de se cacher dans une trappe sous le plancher de la pièce où sont stockées les patates. Il s'en excuse, ce n'était pas ce qu'il voulait... Mais il le faut, pour lui donner une seconde chance, si cela est encore possible... Recroquevillée sur le côté, elle tortille ses cheveux, s’occupe à superposer ses jambes le plus parfaitement possible, compte les moutons, ferme ses yeux jusqu'à s'endormir. Mais c'est bien la peur qui l'a tétanise. Et pour cause, trois hommes assiègent la ferme familiale à coups de mitraillette. Ils font irruption dans la maison, tuent le père après avoir assassiné le fils. C'est un carnage, tout va très vite, un véritable bain de sang. Plus rien ne sera jamais pareil...
Cette adaptation met en valeur l'idée que ce qui nous a sauvé une fois pourra nous sauver à jamais... L'intrigue entrecoupée de flashbacks parfois illusoire est portée sur différents niveaux temporels : L'attaque de la ferme, le passé du père ; Le vécu durant la fusillade, sa vie à la recherche de son protecteur. L'auteur utilise un ton sec au style âpre mais nous donne le temps de souffler par des séquences muettes. La tension est forte, soutenue, glaçante. L'excès de violence dans la première partie ne porte pas préjudice à la lecture, un thriller noir à l'accent italien est toujours très théâtral ! En deux épisodes bien distincts, c'est le suspens et la poésie qui l'emporte.
Côté graphisme, le trait du dessinateur est granuleux, charbonneux, c'est juste somptueux. Un choix qui accompagne avec brio le récit. Entre les ombres et la lumière, la pallette graphique laisse entrevoir ce côté énigmatique dans l'histoire, dessiné avec légèreté. Le travail réalisé sur les regards dévoile la qualité de l'œuvre figurative et joue un rôle important notamment dans l'art du portrait. Le regard dévoile une intériorité de l'être. Celui de la petite fille devenue vieille femme a bien changé... brisé puis comme apaisé, petit à petit avec le temps ou bien... juste sans sang !
Ce roman graphique de toute beauté est une adaptation libre du roman Senza Sangue d’Alessandro Baricco par Tito Faraci et Francesco Ripoli pour les éditions italiennes Edizioni. La traduction française pour les éditions Physalis a été réalisée par Florence Lambert et Olivier Petit.
C'est une participation au rendez-vous La BD de la semaine.
Cela se déroule aujourd'hui chez Jacques.
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